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Bientot ou plus tard Deux mains, un clavier, les yeux ailleurs. Que savons nous, sinon que bientôt ou plus tard, la poésie vaincra.

IN NOMINE SATANIS

Oliv
Pierre avait tort de croire qu'Il était revenu. La couleur du ciel n'avait pas changé et il n'y avait pas dans l'air cette odeur si caractéristique de Sa présence. Mais, peu à peu, la peur s'immisçait dans son esprit.
L'ombre qu'il avait vu, l'avait-il rêvé, ou bien l'avait-il vraiment vu passer dans la lumière spectrale de la Lune. Maintenant il ne savait plus faire la différence entre ses rêves et la réalité trouble de sa vie.
«Bonsoir Pierre»
Pierre sursauta. Il se croyait seul dans l'église et, dans sa sombre méditation, il n'avait pas entendu l'homme arriver.
«Bonsoir Pierre, répéta ce dernier, sa voix grave résonnant lugubrement dans la nef.
- Bonsoir mon Père».
Pierre craignait la colère du Père Supérieur, surtout qu'il ne devait pas se trouver dans l'église à cette heure.
«Que fais tu ici, Pierre ?»
Quelque chose de menaçant sourdait de cette voix mielleuse, presque hypnotisante. La tension montait rapidement.
Après un court instant Pierre répondit:
«Je priais mon Père». Le regard lourd, inquisiteur, coulait sur les épaules du jeune moine, l'écrasant de son poids insurmontable.
«Bien mon fils ! Bien !...»
Le Père Supérieur posa sa main sur la nuque de Pierre. Au contact de cette main, un sentiment étrange, comme si mille voix hurlaient en même temps, comme si un sixième sens le prévenait d'un danger immédiat, rempli son esprit.
« Mais Dieu ne souffre pas de trop longue prière. Retourne dans ta cellule maintenant, mon fils».
Cette voix. Pierre ne pouvait pas résister.

De retour dans sa chambre, Pierre continua sa morbide réflexion. Quelle part devait-il laisser au rêve et à la réalité. Pourquoi avait-il ces visions étranges et mortuaires. Pourquoi la prière et la foi en Dieu miséricordieux ne lui donnaient aucun apaisement. Et aussi pour quelle raison ce sentiment de danger, apparu lorsque le Père l'avait touché, ne voulait pas disparaître, sortir de sa tête.
C'est à ce moment qu'il entendit un cri suraigu, terrifiant, un cri de femme que la mort, sur le point de l'emmener, fait surgir de la gorge encore vierge de sang. Pierre se leva brusquement. Il venait d'entendre, juste après le cri, faiblement, comme irréel, Le Bruit. Un bruit rampant, innommable, comme le déchirement des chairs, comme le battement d'une aile immense. Pierre était sûr maintenant. Il était de retour dans ce monde.
Il se précipita hors de la pièce exiguë qui lui servait de chambre monastique, et se mit à courir pour rejoindre l'église. Arrivé à l'extérieur, Pierre remarqua tout de suite la couleur étrange du ciel. Mais il avait toute la cour centrale à traverser. Il avala difficilement sa salive et, toujours en courant, entreprit le franchissement de l'étendue à découvert. C'est à une courte distance du portail qu'il sentit Sa présence fondre dans son dos tel que le ferait un rapace sur sa proie. Il restait à Pierre tout au plus cinq pas pour atteindre le seuil protecteur, mais il n'en fit pas trois, trébuchant dans la panique. Il essaya de se relever mais la présence fut déjà au-dessus de lui et lui toucha l'épaule.
«Pierre !». La Chose prononçait son nom d'une voix rauque.
«frère Pierre !» Encore un choc à l'épaule, un éclair éblouissant.
«Frère Pierre !». Il ouvrit les yeux et...
Vit le visage du frère Hubert, souriant, au-dessus du sien. Puis il vit qu'il se trouvait dans la salle à manger du monastère.
«Pierre ! Tu es arrivé ici en courant puis tu es tombé. Je me suis précipité mais tu t'es mis à te débattre !»
- Que fais-je ici ?» Fut sa seule réponse.
La voix grave du Père Supérieur s'éleva du fond de la salle:
«Tu as encore eu une crise de somnambulisme, Pierre !»
- Ce n'est pas vrai !» Pierre ne comprenait pas pourquoi,
«tout ce que j'ai vu et entendu...».
Il s'arrêta.
« Ce n'est pas vrai» répéta-t-il, puis il éclata en sanglots.

Le lendemain, bien que fatigué, Pierre se sentait beaucoup mieux. Il n'avait plus cette peur en lui et, soulagé, il effectua ses services sereinement. Cependant, lors de la cérémonie du matin, un détail l'avait marqué. Lorsque le Père Supérieur, promenant la lumière de la bougie Pascal, était passé devant lui et avait plongé son regard dans le sien, le Christ, l'image même du bien -le Christ sur sa croix- projetait son ombre sur le mur. Et, à cet instant, l'ombre avait Sa forme, la forme du Malin, et cette forme le fixait de ses yeux vides. Tout le poids de la terreur ancienne s'abattit sur Pierre, mais l'instant d'après, la statue sacrée avait repris son habituelle apparence, enlevant aussitôt la peur, comme balayée par magie. Pierre réussit à se persuader que cela était un effet de son imagination.

Le soir venu, comme la veille, Pierre se réfugia dans l'église, dans la prière. Soudain, il entendit le léger grincement familier de la porte. Par réflexe, Il se baissa entre les bancs puis décida d'y rester. C'était le Père Supérieur qui, tout en jetant des regards autours de lui, se dirigeait vers l'autel. Pierre, derrière son banc, ne vit pas ce que faisait le moine, mais il entendit. Le Bruit de son cauchemar venait de résonner et, faisant écho, son coeur fit un bond dans sa poitrine. Une lumière violette illumina la voûte un court instant. Puis une indicible terreur lui glaça le sang car son nez avait capté l'odeur, une des manifestations de Son passage. Après un moment, comme le silence retombait, Pierre risqua un coup d'oeil au-dessus du banc. Comme il s'y attendait, le Père Supérieur ne se trouvait mystérieusement plus dans l'église. Il avança prudemment vers l'autel, dans la crainte de le voir surgir de nouveau. Arrivé au pied de l'estrade supportant la table sacrée, il passa derrière, mais ne découvrit rien de particulier. Cependant, lui qui n'en avait jamais fait le tour, fut étonné par les sculptures qui ornaient la face arrière de l'autel. Autant les visibles étaient pieuses et douces, autant celles-ci étaient hideuses et méchantes. Surtout une tête démoniaque qui attira son regard. La cruauté de la bête était accentuée par la blancheur des yeux de diamant qui semblaient suivre Pierre dans ses mouvements. Il approcha son visage du monstre, mais les yeux se mirent à rougir dangereusement. Puis ils devinrent rapidement de plus en plus lumineux, passant du rouge au violet. Prenant peur, Pierre s'écarta vivement, mais, en reculant il posa son pied sur un dessin au sol, un tracé étrange. Trop tard. Un rayon lumineux, d'un violet aveuglant, surgissant des orbites de la tête satanique, éclaira Pierre, et, dans un bruit de déchirement, Le Bruit, il sombra dans l'inconscience.
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Commentaires
E
La magie des blogs fait que nous avons parfois de sacrées surprises ^^
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S
héhé, monsieur serait il d'humeur mystique?<br /> merci pour tes passages au ptit rien :)
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